January 23, 2024 • 17 mins
Paco partage son évolution personnelle, décrivant sa vie avant, pendant et après ses « années de chemsex ». Il explique comment son exploration de la consommation et de la sexualité a favorisé une meilleure connaissance de soi. Il décrit aussi son expérience avec le VIH; de ses difficultés jusqu’à l’acceptation de son diagnostic. À partir de ses multiples expériences, certaines négatives, d’autres plus positives, Paco explique comment il parvient aujourd’hui à instaurer un équilibre dans sa vie.
Un balado proposé par Paco
Avertissement : dans cet épisode, il sera question de mort par surdose.
Si vous souhaitez obtenir du soutien en lien avec le chemsex, consultez la liste de ressources et de services disponibles sur la page: Ressources / services chemsex.
https://qollab.ca/ressources-services-chemsex/
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Episode Transcript
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(00:00):
Cette série balado aborde la consommation de drogues et la sexualité. Dans cet épisode,
il sera également question de mort par surdose. Si vous ou une personne de votre entourage avez
besoin de soutien, des hyperliens vers des ressources d’aide sont disponibles dans
le texte de présentation de l’épisode et sur le site Chemstory.ca Vous écoutez Chemstory,
(00:28):
une série balado créée par des personnes ayant une expérience vécue de chemsex.
Paco (00:35):
Bonjour!
Intervieweur (00:38):
On va parler de chemsex aujourd’hui, de tes expériences.
Paco (00:43):
Oui.
Intervieweur (00:43):
Puis je vais préciser tout de suite que je te rencontre aujourd’hui,
mais dans le fond, les questions que je te pose, c’est toi qui les as préparées avant la rencontre.
Paco (00:54):
Hmm, hmm. [acquiesçant]
Intervieweur (00:54):
Et c’est pour t’inciter à raconter ton histoire au fur et à mesure de la discussion.
Paco (01:00):
Hmm, hmm. [acquiesçant]
Intervieweur (01:01):
Est-ce que tu peux commencer à me parler de... c’était
comment ta vie sexuelle avant de faire du chemsex?
Paco (01:09):
J’en avais juste pas. J’ai découvert le sexe quand j’ai su me dégêner à cause de
la consommation que j’avais, là, à cause des drogues. C’est à ce moment-là que j’ai découvert
ça. Et euh… Une facilité, une échappatoire d’une façon ou d’une autre. C’était la
(01:31):
cocaïne, le GHB, puis le crystal. Parce que sinon j’étais trop gêné et puis ça foirait.
Mais maintenant ce n’est plus le cas, mais en tout cas, ce l’était avant, comme ça.
Intervieweur (01:47):
Mais qu’est-ce qui t’a plu au début dans le chemsex?
Paco (01:51):
Qu’on était sur la même longueur d’onde. Je crois que c’est vraiment ça, c’était la même
énergie ou vibe, peu importe là. Qu’on soit dans le même trip. Puis qu’il n’y ait pas
de gêne, c’est ça. Ouais, plus que je faisais des trips, pis euh… c’est con à dire, mais mieux je
(02:11):
me connaissais, ou mieux que je m’acceptais. Ça a été quand même assez difficile d’accepter
mon orientation sexuelle, de m’accepter comme je suis, je veux dire, physiquement.
Intervieweur (02:25):
Qu’est-ce qui a changé dans ta vie après que t’as commencé à pratiquer le chemsex?
Paco (02:31):
J’avais l’impression d’être un nouvel homme… ou plutôt d’un homme réveillé,
comme si genre j’avais quelque chose en moi qui était endormi. Puis je crois que c’est
la confiance. J’avais pas tellement une grande confiance en moi avant.
Intervieweur (02:48):
Et est-ce qu’il y a eu des conséquences aussi qui sont
venues avec le début de l’utilisation du chemsex?
Paco (02:58):
Au début, j’étais plutôt comme ignorant ou aveugle. Je ne voyais pas l’impact que ça
avait dans ma vie de tous les jours, peu importe. Puis parfois, je remarquais aussi
que mon attitude changeait. C’est comme si j’avais une personnalité différente,
(03:18):
mais que je remarque aussi que ça change la façon que tu penses, la façon dont tu agis aussi. Ouais,
puis moi c’était vraiment au début, j’utilisais ça pour être… me dégêner, être plus à l’aise.
Puis les années passaient et c’est comme si c’était presque une obligation et que je n’étais
(03:44):
pas capable d’avoir du bon sexe sans drogue. Parce qu’éventuellement, à force de consommer,
quoi que ce soit, je suis devenu… J’ai eu une addiction et l’addiction contrôlait ma vie genre.
Malheureusement. Puis c’était rendu que ce n’était pas juste dans les parties chemsex
(04:06):
ou PnP que je devais me droguer, mais c’est comme dans la vie de tous les jours. Donc, c’est
la chose négative que je pourrais dire. Quand j’avais remarqué et enfin accepté que j’avais
un problème d’addiction au GHB, je suis allé en thérapie. Puis, c’est vraiment en thérapie que
(04:27):
j’ai appris à me connaître, à accepter pourquoi je consomme, puis qu’est ce qui est les bienfaits,
les mauvaises choses aussi. Mon père, il m’a rejeté, il m’humilie à chaque fois que je le vois,
il m’humilie. Il me rabaisse pour lui-même se surmonter ou peu importe. Ça a joué beaucoup avec
(04:51):
ma confiance. Plus tôt, on parlait de confiance. Bien, je n’avais pas confiance en moi parce que
mon père était toujours négatif. J’étais jamais le produit de ce qu’il cherchait ou ce qu’il
voulait. Donc oui, le rejet, l’humiliation, puis l’abandon, j’ai beaucoup, j’ai beaucoup souffert
à cause de ça. Puis pour l’abandon, regarde, moi je suis, je viens de la Roumanie, puis j’ai été,
(05:15):
je suis, j’ai été un orphelin. Donc, on m’a déjà abandonné, et ce très tôt quand j’étais jeune.
Puis j’ai été adopté par une famille québécoise. Puis mon père adoptif,
il m’a abandonné à deux reprises aussi. Donc, c’est vraiment,
je crois que c’est l’abandon, la blessure qui m’a le plus infligé. Puis, c’est vraiment là en
(05:38):
thérapie que j’ai remarqué que c’était, ce que j’ai vécu là. Puis je ne suis pas encore guéri,
non absolument pas. C’est dur, mais j’ai jamais pris la chance d’en parler avec mon père non plus.
En tout, j’ai essayé d’arrêter de consommer le GHB à trois reprises. Les deux premières prises,
(06:05):
c’était pas pour moi que je faisais ça. C’était pour ma famille ou pour mes amis. J’avais pas de
volonté. Puis, écoute, si tu n’as pas de volonté, ça va être dur de réussir. Mais pour la troisième
et la dernière fois, j’avais vraiment beaucoup de volonté et c’était mon vœu le plus cher. Parce que
(06:27):
je me suis rendu compte que cette drogue-là, elle contrôlait ma vie, et non moi qui contrôlait la
drogue, la consommation entre parenthèses. C’est ça, donc la troisième fois, j’ai réellement fait
ça pour moi. Puis l’idée me venait de ma tête, de mon vouloir, ma volonté. Ça a fonctionné. Depuis,
je n’ai plus jamais touché au GHB. Ça ne passe même pas à travers l’esprit. Il y a même un
(06:51):
de mes amis qui m’a proposé de devenir genre professeur, mais comme pour motiver le monde
d’arrêter, parce que mon cas était grave. J’étais vraiment beaucoup «addict» au GHB,
c’était pas drôle à voir. J’étais une personne complètement différente, genre. Maintenant,
je suis calme, puis je suis quand même lucide, mais avant, j’étais pas calme. J’étais stressé,
toujours, toujours angoissé. À la recherche de ma consommation qu’il faut que… Pour que
(07:18):
mon corps reste stable. C’est pas le fun là. C’était vraiment pas le fun pour vrai.
Intervieweur (07:22):
Parle-moi de la qualité des drogues qu’on peut se procurer dans la rue actuellement.
Paco (07:27):
Plus que le temps passe, puis moins que la drogue est de bonne «qualité»,
ou on ne sait pas ce qu’on consomme. C’est toujours mieux de la chercher à la source, mais
ça rime aussi avec des complications. Puis écoute, moi, cet été, dans un certain quartier à Montréal,
(07:53):
on trouvait du stock de merde là. C’était même pas vraiment le stock qu’on cherchait. Puis,
il y a eu 18 cas d’overdose, puis trois morts en cinq jours là, dans le même quartier. C’est là
que moi [inaudible] j’étais comme bien, voyons donc, ça n’a pas d’allure, tu sais. On est en
(08:16):
2023, fait que, imagine dans dix ans, comment ça va être rendu. Puis c’est dangereux. J’avais un
ami, c’est une personne que je pouvais compter sur mes doigts là. Bien, il est mort d’une overdose
d’héroïne. Ça fait, dix ans de ça je crois. Puis sur le coup, cet ami était vraiment connu dans le
(08:44):
quartier. On a fait des funérailles. Puis, ça m’a choqué. Ça m’a vraiment troublé pour vrai. Dans
ce temps là, dix ans auparavant, j’étais un peu plus naïf ou
ignorant. Je savais pas dans trop quoi je m’embarquais quand je consommais,
(09:08):
tu sais. Je me posais pas la question «d’où ça vient?» ou «est-ce que c’est du bon stock?»
ou «il y a quelque chose qui est mauvais là-dedans» ou quoi que ce soit. Mais, ouin…
Intervieweur (09:20):
Est-ce que tu connais des façons de
se protéger de drogues qui sont de mauvaise qualité?
Paco (09:27):
Bien sûr, la première solution, c’est d’arrêter de consommer. La deuxième, c’est de
faire tester tes produits. Il y a des ressources qui offrent ce service gratuitement en plus,
comme le Cactus ou la ressource Dopamine qui est sur Pie-IX et Ontario environ. Puis,
(09:48):
ça prend pas de temps, c’est cinq minutes maximum pour un test, puis après ils te sortent tous les
produits. C’est un conseil à faire que je donne. Même qu’on m’a donné moi-même ce conseil-là. Puis
consommer, regarde oui t’as bien beau consommer ou quoi que ce soit, mais il faut quand même que
tu sois responsable de ta consommation pis que tu ne sois pas dangereux pour toi-même
(10:11):
ou les personnes autour de toi. Donc oui, chercher une bonne drogue qu’on sait que c’est vraiment ça,
dans la rue, ça fait de plus en plus rare. Faut vraiment avoir un réseau, des contacts.
Tu vas pas aller chercher ça n’importe où, où tu ne sais pas. C’est vraiment pas une bonne idée.
Intervieweur (10:36):
Est-ce que tu pourrais me parler un petit peu de ton expérience de
vie avec le VIH? Comment est-ce que c’est arrivé dans ton parcours de chemsex?
Paco (10:46):
OK, j’ai sorti avec un homme pour une durée de sept ans et puis on a cassé, on a rompu. Puis
moi, ça m’a vraiment, ça m’a troublé. Puis je me suis comme révolté sexuellement. Donc ma vie
sexuelle était vraiment plus mouvementée et je ne me suis jamais protégé. Jamais,
(11:09):
jamais, jamais. Donc je l’ai… Je l’ai attrapé de quelqu’un, je sais vraiment pas c’est qui,
peu importe. C’est même pas important parce que je l’ai encore, puis je vais toujours l’avoir. Je
peux pas revenir en arrière non plus. Au début, c’est vrai que j’acceptais pas ça. Puis j’étais
vraiment angoissé. J’étais pas fier de moi. Puis, j’avais presque honte. Mais en même temps,
(11:37):
je me suis dit c’est comme si je l’avais cherché. C’est comme si je l’avais toujours cherché, vu que
je ne me suis jamais protégé. Qu’est-ce qui a été vraiment dur, en fait, c’est plus le dire à
mon père. Bien, il a eu une mauvaise réaction, tu sais. Il n’était pas fier. C’est comme s’il avait
(12:01):
vécu un échec, je crois. C’est comme ça que moi je l’ai perçu en tout cas. Ça a été dur. Ça a été
dur pour l’orgueil aussi. Puis, ça m’a pris au moins un bon un an et demi pour l’accepter. Puis,
ouin un an et demi, ça m’a pris du temps. Mais bon, maintenant je vis avec ça tous les jours.
(12:28):
En 2023, c’est pas si grave que ça, mais avant c’était tabou, tu sais. Y a, on va dire 30 ans de
ça là, c’était quelque chose de [inaudible]. Heureusement la médecine, puis la science a
évolué. Puis écoute, moi je prends, je respecte ma posologie à chaque jour, puis je suis en
super bonne santé, en fait. J’ai même un très bon système immunitaire. Donc je crois que j’ai quand
(12:51):
même réagi à temps, puis le virus était… C’est des bébés qu’il y a en dedans de moi, qui sont
endormis. C’est ça que ça fait le médicament. Quand tu prends tes doses, ça endort le virus.
Intervieweur (13:04):
Parle-moi de toi aujourd’hui. Quelle
place prend la drogue et le sexe dans ta vie?
Paco (13:12):
OK, bien la drogue, je la consomme assez régulièrement,
mais non récréativement. Tandis que le sexe, j’en ai pas tant que ça, parce que je suis en train de
régler beaucoup de problèmes dans mes sphères de vie. Je crois que c’est moins de problèmes,
et plus que l’on peut s’amuser, ou moins qu’on est angoissé ou… Donc, moi j’étais dans la rue,
(13:39):
y a pas si longtemps que ça, puis même dans une situation comme ça, je vois pas comment
je pourrais avoir du sexe avec une situation que je vivais, comme celle-ci là. Mais sinon,
quand j’ai du sexe, maintenant, je ne suis plus rendu obligé de faire du PnP pour m’amuser.
Intervieweur (14:01):
Et justement, comment est-ce que
tu choisis tes partenaires sexuels ou tes partenaires de consommation?
Paco (14:08):
Ben moi je préfère mieux, ça c’est, à mon avis, je préfère mieux aller dans les
bars ou dans les rues et voir la personne en «live» que d’être derrière un écran,
puis être sur un réseau social de rencontres. Tu as moins d’exposition, c’est plus sécuritaire.
(14:31):
Même que parfois, derrière l’écran, la personne parait comme ça, mais c’est pas pantoute comme ça.
Intervieweur (14:37):
J’aimerais que tu me dises c’est quoi le message que tu
aimerais que les personnes qui vont écouter ton balado retiennent après l’avoir entendu.
Paco (14:45):
Bien que consommer, oui c’est une chose, mais consommer avec des personnes, avec ton
entourage ou avec des personnes que tu sais que tu peux faire confiance ou que la personne
est expérimentée, ça c’est… je parle pour les personnes qui se «shootent», on va dire. Savoir
(15:07):
qu’est-ce que tu consommes, ça c’est important aussi. Vraiment, vraiment beaucoup. Consommer
avec modération aussi. Parce que si tu consommes à un point, que tu perds la carte et que tu ne te
rappelles plus de rien, ben c’est là que tu peux faire des conneries. Puis ça te revient après.
Puis quand ça te revient bien, t’es souvent à jeun ou t’es pas dans le même état. Donc, ça peut
(15:30):
paraître honteux ou peu importe. Puis c’est ça, si t’es pas capable de consommer, bien consomme pas
ou… Ouais, c’est ça, ouais. Puis quand tu fais du PnP, c’est vraiment important d’avoir une certaine
(15:51):
confiance avec la personne ou les personnes, parce qu’on est tous des adultes à la base. Puis y a un
minimum de respect et de courtoisie qui doit se respecter. On a une vie à vivre, il faut en
profiter. Mais il faut faire attention aussi. Parce que, oui le chemsex c’est vraiment,
(16:12):
ça peut être le fun, mais il faut pas en abuser non plus. Il faut rester droit, lucide. Donc, il
faut faire attention aussi avec la consommation, même que tu sois seul ou avec quelqu’un, c’est
important. La vie est courte. Le temps c’est… Faut respecter le temps et je crois que j’ai assez
(16:37):
«tripé» là. J’ai passé à autre chose. Puis comme je t’ai dit, moi j’ai vécu mes trips. Donc, j’en
ai profité. Aucun regret, aucun remords. Chaque chose a sa raison d’être.
(17:00):
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épisodes. Pour en savoir plus sur le projet, pour raconter votre histoire ou pour une
liste de ressources d’aide et de soutien en lien avec le chemsex, visitez Chemstory.ca
Cette série balado aborde la consommation de drogues et la sexualité. Dans cet épisode,
il sera également question de mort par surdose. Si vous ou une personne de votre entourage avez
besoin de soutien, des hyperliens vers des ressources d’aide sont disponibles dans
le texte de présentation de l’épisode et sur le site Chemstory.ca Vous écoutez Chemstory,
(00:28):
une série balado créée par des personnes ayant une expérience vécue de chemsex.
Paco (00:35):
Bonjour!
Intervieweur (00:38):
On va parler de chemsex aujourd’hui, de tes expériences.
Paco (00:43):
Oui.
Intervieweur (00:43):
Puis je vais préciser tout de suite que je te rencontre aujourd’hui,
mais dans le fond, les questions que je te pose, c’est toi qui les as préparées avant la rencontre.
Paco (00:54):
Hmm, hmm. [acquiesçant]
Intervieweur (00:54):
Et c’est pour t’inciter à raconter ton histoire au fur et à mesure de la discussion.
Paco (01:00):
Hmm, hmm. [acquiesçant]
Intervieweur (01:01):
Est-ce que tu peux commencer à me parler de... c’était
comment ta vie sexuelle avant de faire du chemsex?
Paco (01:09):
J’en avais juste pas. J’ai découvert le sexe quand j’ai su me dégêner à cause de
la consommation que j’avais, là, à cause des drogues. C’est à ce moment-là que j’ai découvert
ça. Et euh… Une facilité, une échappatoire d’une façon ou d’une autre. C’était la
(01:31):
cocaïne, le GHB, puis le crystal. Parce que sinon j’étais trop gêné et puis ça foirait.
Mais maintenant ce n’est plus le cas, mais en tout cas, ce l’était avant, comme ça.
Intervieweur (01:47):
Mais qu’est-ce qui t’a plu au début dans le chemsex?
Paco (01:51):
Qu’on était sur la même longueur d’onde. Je crois que c’est vraiment ça, c’était la même
énergie ou vibe, peu importe là. Qu’on soit dans le même trip. Puis qu’il n’y ait pas
de gêne, c’est ça. Ouais, plus que je faisais des trips, pis euh… c’est con à dire, mais mieux je
(02:11):
me connaissais, ou mieux que je m’acceptais. Ça a été quand même assez difficile d’accepter
mon orientation sexuelle, de m’accepter comme je suis, je veux dire, physiquement.
Intervieweur (02:25):
Qu’est-ce qui a changé dans ta vie après que t’as commencé à pratiquer le chemsex?
Paco (02:31):
J’avais l’impression d’être un nouvel homme… ou plutôt d’un homme réveillé,
comme si genre j’avais quelque chose en moi qui était endormi. Puis je crois que c’est
la confiance. J’avais pas tellement une grande confiance en moi avant.
Intervieweur (02:48):
Et est-ce qu’il y a eu des conséquences aussi qui sont
venues avec le début de l’utilisation du chemsex?
Paco (02:58):
Au début, j’étais plutôt comme ignorant ou aveugle. Je ne voyais pas l’impact que ça
avait dans ma vie de tous les jours, peu importe. Puis parfois, je remarquais aussi
que mon attitude changeait. C’est comme si j’avais une personnalité différente,
(03:18):
mais que je remarque aussi que ça change la façon que tu penses, la façon dont tu agis aussi. Ouais,
puis moi c’était vraiment au début, j’utilisais ça pour être… me dégêner, être plus à l’aise.
Puis les années passaient et c’est comme si c’était presque une obligation et que je n’étais
(03:44):
pas capable d’avoir du bon sexe sans drogue. Parce qu’éventuellement, à force de consommer,
quoi que ce soit, je suis devenu… J’ai eu une addiction et l’addiction contrôlait ma vie genre.
Malheureusement. Puis c’était rendu que ce n’était pas juste dans les parties chemsex
(04:06):
ou PnP que je devais me droguer, mais c’est comme dans la vie de tous les jours. Donc, c’est
la chose négative que je pourrais dire. Quand j’avais remarqué et enfin accepté que j’avais
un problème d’addiction au GHB, je suis allé en thérapie. Puis, c’est vraiment en thérapie que
(04:27):
j’ai appris à me connaître, à accepter pourquoi je consomme, puis qu’est ce qui est les bienfaits,
les mauvaises choses aussi. Mon père, il m’a rejeté, il m’humilie à chaque fois que je le vois,
il m’humilie. Il me rabaisse pour lui-même se surmonter ou peu importe. Ça a joué beaucoup avec
(04:51):
ma confiance. Plus tôt, on parlait de confiance. Bien, je n’avais pas confiance en moi parce que
mon père était toujours négatif. J’étais jamais le produit de ce qu’il cherchait ou ce qu’il
voulait. Donc oui, le rejet, l’humiliation, puis l’abandon, j’ai beaucoup, j’ai beaucoup souffert
à cause de ça. Puis pour l’abandon, regarde, moi je suis, je viens de la Roumanie, puis j’ai été,
(05:15):
je suis, j’ai été un orphelin. Donc, on m’a déjà abandonné, et ce très tôt quand j’étais jeune.
Puis j’ai été adopté par une famille québécoise. Puis mon père adoptif,
il m’a abandonné à deux reprises aussi. Donc, c’est vraiment,
je crois que c’est l’abandon, la blessure qui m’a le plus infligé. Puis, c’est vraiment là en
(05:38):
thérapie que j’ai remarqué que c’était, ce que j’ai vécu là. Puis je ne suis pas encore guéri,
non absolument pas. C’est dur, mais j’ai jamais pris la chance d’en parler avec mon père non plus.
En tout, j’ai essayé d’arrêter de consommer le GHB à trois reprises. Les deux premières prises,
(06:05):
c’était pas pour moi que je faisais ça. C’était pour ma famille ou pour mes amis. J’avais pas de
volonté. Puis, écoute, si tu n’as pas de volonté, ça va être dur de réussir. Mais pour la troisième
et la dernière fois, j’avais vraiment beaucoup de volonté et c’était mon vœu le plus cher. Parce que
(06:27):
je me suis rendu compte que cette drogue-là, elle contrôlait ma vie, et non moi qui contrôlait la
drogue, la consommation entre parenthèses. C’est ça, donc la troisième fois, j’ai réellement fait
ça pour moi. Puis l’idée me venait de ma tête, de mon vouloir, ma volonté. Ça a fonctionné. Depuis,
je n’ai plus jamais touché au GHB. Ça ne passe même pas à travers l’esprit. Il y a même un
(06:51):
de mes amis qui m’a proposé de devenir genre professeur, mais comme pour motiver le monde
d’arrêter, parce que mon cas était grave. J’étais vraiment beaucoup «addict» au GHB,
c’était pas drôle à voir. J’étais une personne complètement différente, genre. Maintenant,
je suis calme, puis je suis quand même lucide, mais avant, j’étais pas calme. J’étais stressé,
toujours, toujours angoissé. À la recherche de ma consommation qu’il faut que… Pour que
(07:18):
mon corps reste stable. C’est pas le fun là. C’était vraiment pas le fun pour vrai.
Intervieweur (07:22):
Parle-moi de la qualité des drogues qu’on peut se procurer dans la rue actuellement.
Paco (07:27):
Plus que le temps passe, puis moins que la drogue est de bonne «qualité»,
ou on ne sait pas ce qu’on consomme. C’est toujours mieux de la chercher à la source, mais
ça rime aussi avec des complications. Puis écoute, moi, cet été, dans un certain quartier à Montréal,
(07:53):
on trouvait du stock de merde là. C’était même pas vraiment le stock qu’on cherchait. Puis,
il y a eu 18 cas d’overdose, puis trois morts en cinq jours là, dans le même quartier. C’est là
que moi [inaudible] j’étais comme bien, voyons donc, ça n’a pas d’allure, tu sais. On est en
(08:16):
2023, fait que, imagine dans dix ans, comment ça va être rendu. Puis c’est dangereux. J’avais un
ami, c’est une personne que je pouvais compter sur mes doigts là. Bien, il est mort d’une overdose
d’héroïne. Ça fait, dix ans de ça je crois. Puis sur le coup, cet ami était vraiment connu dans le
(08:44):
quartier. On a fait des funérailles. Puis, ça m’a choqué. Ça m’a vraiment troublé pour vrai. Dans
ce temps là, dix ans auparavant, j’étais un peu plus naïf ou
ignorant. Je savais pas dans trop quoi je m’embarquais quand je consommais,
(09:08):
tu sais. Je me posais pas la question «d’où ça vient?» ou «est-ce que c’est du bon stock?»
ou «il y a quelque chose qui est mauvais là-dedans» ou quoi que ce soit. Mais, ouin…
Intervieweur (09:20):
Est-ce que tu connais des façons de
se protéger de drogues qui sont de mauvaise qualité?
Paco (09:27):
Bien sûr, la première solution, c’est d’arrêter de consommer. La deuxième, c’est de
faire tester tes produits. Il y a des ressources qui offrent ce service gratuitement en plus,
comme le Cactus ou la ressource Dopamine qui est sur Pie-IX et Ontario environ. Puis,
(09:48):
ça prend pas de temps, c’est cinq minutes maximum pour un test, puis après ils te sortent tous les
produits. C’est un conseil à faire que je donne. Même qu’on m’a donné moi-même ce conseil-là. Puis
consommer, regarde oui t’as bien beau consommer ou quoi que ce soit, mais il faut quand même que
tu sois responsable de ta consommation pis que tu ne sois pas dangereux pour toi-même
(10:11):
ou les personnes autour de toi. Donc oui, chercher une bonne drogue qu’on sait que c’est vraiment ça,
dans la rue, ça fait de plus en plus rare. Faut vraiment avoir un réseau, des contacts.
Tu vas pas aller chercher ça n’importe où, où tu ne sais pas. C’est vraiment pas une bonne idée.
Intervieweur (10:36):
Est-ce que tu pourrais me parler un petit peu de ton expérience de
vie avec le VIH? Comment est-ce que c’est arrivé dans ton parcours de chemsex?
Paco (10:46):
OK, j’ai sorti avec un homme pour une durée de sept ans et puis on a cassé, on a rompu. Puis
moi, ça m’a vraiment, ça m’a troublé. Puis je me suis comme révolté sexuellement. Donc ma vie
sexuelle était vraiment plus mouvementée et je ne me suis jamais protégé. Jamais,
(11:09):
jamais, jamais. Donc je l’ai… Je l’ai attrapé de quelqu’un, je sais vraiment pas c’est qui,
peu importe. C’est même pas important parce que je l’ai encore, puis je vais toujours l’avoir. Je
peux pas revenir en arrière non plus. Au début, c’est vrai que j’acceptais pas ça. Puis j’étais
vraiment angoissé. J’étais pas fier de moi. Puis, j’avais presque honte. Mais en même temps,
(11:37):
je me suis dit c’est comme si je l’avais cherché. C’est comme si je l’avais toujours cherché, vu que
je ne me suis jamais protégé. Qu’est-ce qui a été vraiment dur, en fait, c’est plus le dire à
mon père. Bien, il a eu une mauvaise réaction, tu sais. Il n’était pas fier. C’est comme s’il avait
(12:01):
vécu un échec, je crois. C’est comme ça que moi je l’ai perçu en tout cas. Ça a été dur. Ça a été
dur pour l’orgueil aussi. Puis, ça m’a pris au moins un bon un an et demi pour l’accepter. Puis,
ouin un an et demi, ça m’a pris du temps. Mais bon, maintenant je vis avec ça tous les jours.
(12:28):
En 2023, c’est pas si grave que ça, mais avant c’était tabou, tu sais. Y a, on va dire 30 ans de
ça là, c’était quelque chose de [inaudible]. Heureusement la médecine, puis la science a
évolué. Puis écoute, moi je prends, je respecte ma posologie à chaque jour, puis je suis en
super bonne santé, en fait. J’ai même un très bon système immunitaire. Donc je crois que j’ai quand
(12:51):
même réagi à temps, puis le virus était… C’est des bébés qu’il y a en dedans de moi, qui sont
endormis. C’est ça que ça fait le médicament. Quand tu prends tes doses, ça endort le virus.
Intervieweur (13:04):
Parle-moi de toi aujourd’hui. Quelle
place prend la drogue et le sexe dans ta vie?
Paco (13:12):
OK, bien la drogue, je la consomme assez régulièrement,
mais non récréativement. Tandis que le sexe, j’en ai pas tant que ça, parce que je suis en train de
régler beaucoup de problèmes dans mes sphères de vie. Je crois que c’est moins de problèmes,
et plus que l’on peut s’amuser, ou moins qu’on est angoissé ou… Donc, moi j’étais dans la rue,
(13:39):
y a pas si longtemps que ça, puis même dans une situation comme ça, je vois pas comment
je pourrais avoir du sexe avec une situation que je vivais, comme celle-ci là. Mais sinon,
quand j’ai du sexe, maintenant, je ne suis plus rendu obligé de faire du PnP pour m’amuser.
Intervieweur (14:01):
Et justement, comment est-ce que
tu choisis tes partenaires sexuels ou tes partenaires de consommation?
Paco (14:08):
Ben moi je préfère mieux, ça c’est, à mon avis, je préfère mieux aller dans les
bars ou dans les rues et voir la personne en «live» que d’être derrière un écran,
puis être sur un réseau social de rencontres. Tu as moins d’exposition, c’est plus sécuritaire.
(14:31):
Même que parfois, derrière l’écran, la personne parait comme ça, mais c’est pas pantoute comme ça.
Intervieweur (14:37):
J’aimerais que tu me dises c’est quoi le message que tu
aimerais que les personnes qui vont écouter ton balado retiennent après l’avoir entendu.
Paco (14:45):
Bien que consommer, oui c’est une chose, mais consommer avec des personnes, avec ton
entourage ou avec des personnes que tu sais que tu peux faire confiance ou que la personne
est expérimentée, ça c’est… je parle pour les personnes qui se «shootent», on va dire. Savoir
(15:07):
qu’est-ce que tu consommes, ça c’est important aussi. Vraiment, vraiment beaucoup. Consommer
avec modération aussi. Parce que si tu consommes à un point, que tu perds la carte et que tu ne te
rappelles plus de rien, ben c’est là que tu peux faire des conneries. Puis ça te revient après.
Puis quand ça te revient bien, t’es souvent à jeun ou t’es pas dans le même état. Donc, ça peut
(15:30):
paraître honteux ou peu importe. Puis c’est ça, si t’es pas capable de consommer, bien consomme pas
ou… Ouais, c’est ça, ouais. Puis quand tu fais du PnP, c’est vraiment important d’avoir une certaine
(15:51):
confiance avec la personne ou les personnes, parce qu’on est tous des adultes à la base. Puis y a un
minimum de respect et de courtoisie qui doit se respecter. On a une vie à vivre, il faut en
profiter. Mais il faut faire attention aussi. Parce que, oui le chemsex c’est vraiment,
(16:12):
ça peut être le fun, mais il faut pas en abuser non plus. Il faut rester droit, lucide. Donc, il
faut faire attention aussi avec la consommation, même que tu sois seul ou avec quelqu’un, c’est
important. La vie est courte. Le temps c’est… Faut respecter le temps et je crois que j’ai assez
(16:37):
«tripé» là. J’ai passé à autre chose. Puis comme je t’ai dit, moi j’ai vécu mes trips. Donc, j’en
ai profité. Aucun regret, aucun remords. Chaque chose a sa raison d’être.
(17:00):
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